
Le temple/ Paris /// 2022
Exposition
Sculptures/ peintures numériques/ installations





En 2010, le nombre de chrétiens était estimé à 2 milliards, c’est à dire 31,7 % de la population mondiale. Soit 31,7% de terrien.nes capables de croire en ce qu’ils n’ont jamais vu, sur la foi d’un dispositif d’icônes, de constructions, de sculptures, de peintures évoquant depuis plus de 2000 ans une histoire irréelle réputée réelle. De quoi réfléchir à ce qu’Abi Warburg a nommé «survivance», montrant dans son Atlas Mnémosyne que toute connaissance est une mise en scène des représentations, des «figures» de la pensée. Avant tout savoir, notre rencontre avec ce que nous nommons un peu vite le réel, est constituée de visions qui sans l’exercice de notre réflexion, ne seraient qu’une suite d’énigmes. Scruter le visible ne serait pas trouver de la réalité, mais comprendre ce que nous pouvons y mettre et ce que nous y avons mis. Au delà du vrai et du faux, dans une zone éloignée du soi-disant savoir objectif, se tient la survivance de notre collection personnelle
WWde représentations, croisée avec nos «figures» culturelles.
L’expérience du passé-présent-futur, dès lors qu’il n’est plus séquencé, entre en correspondance avec la confusion mentale du rêve, de l’inconscient, de la puissance vibratoire. Nous sommes traversé.es, exposé.es, emprisonné.es d’images. Warburg tente sans jamais l’ordonner car alors tout serait perdu, une collection d’où nait une confrontation entre les concepts, les définitions et les monstra (le chaos). Sur les planches de Warburg s’entrechoquent une constellation d’iconographies et de témoignages historiques, sociologiques, ainsi que des documents hirsutes, affreux, sublimes, monstrueux. C’est mélangé exprès, comme sont mêlés dans notre esprit tout ce que nous possédons de connaissances et d’expériences. Warburg n’a jamais été intéressé par l’élégance de l’art, il ne s’est jamais posé en esthète. Il a au contraire appréhendé l’art comme une trace de l’empreinte des civilisations humaines, comme une réponse intellectuelle à l’absurde, comme l’expression de ce qu’il est impossible de saisir, le mystère, le non sens.
L’art ne figurerait en rien le beau, l’anecdotique du beau, comparé à ce qu’il n’a jamais cessé d’être, le roman humain face à l’énigme de l’existence. La motivation de l’art ne serait pas la reproduction du «véridique», au plus près de ce que nous nommerions abusivement le visible, mais le besoin d’interroger la question métaphysique.
Corinne Lellouche
Ecrivaine, journaliste